Là où les eaux se mêlent

Le confluent vu de la rive gauche du Rhône

Le confluent du Rhône et de la Saône à Lyon vu de la rive gauche du Rhône – DR Lignes de vie

Là où les eaux se mêlent, en anglais Where water comes together with other water, est le titre d’un poème de Raymond Carver. Un poème sublime, édité en 10/18 (n° 2607, 1995) dans un recueil éponyme. Où Raymond Carver file la métaphore du fleuve pour parler de la vie. Il y parle d’années. De sa vie à 35 ans puis à 45 ans. De son coeur qui a repris vie depuis.

A Lyon, les deux fleuves se mêlent au milieu d’un écheveau d’autoroutes, d’échangeurs et de voies ferrées. Et sur cette pointe du confluent, la ville et le département sont en train d’édifier un nouveau musée, entièrement en surfaces vitrées. Et ce tableau est complété d’un aquarium peint en bleu industriel.

Quand on balade ou fait son footing sur les berges du Rhône, on voit nettement la différence de couleur entre Saône (plus boueuse) et Rhône (plus bleu). C’est tout ce qu’il reste des fleuves, cette différence de couleur. Tout le reste est noyé dans le bruit, les routes et les constructions.

Que fait cet homme assis face à ce confluent ? Joue-t-il avec son téléphone portable ou pense-t-il à sa vie ? A moins qu’il ne fasse les deux.

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Là où les eaux se mêlent, Raymond Carver, éd 10/18, 1995

Marcher du même pas

Une famille marchant du même pas, place des Terreaux - DR LDV
Lyon, place des Terreaux - DR LDV

Samedi après-midi, tous trois traversaient la place des Terreaux, coupant à travers les 69 fontaines de Buren taries, l’homme portant des courses dans une poche plastique, la femme affichant sur ses jambes la seule couleur vive d’eux trois, leur enfant une raquette dans le dos, allant aux premiers soleils de février du même pas dans leurs vies.

6 milliard d’Autres

Vu au Grand Palais à Paris l’expo conçue par Yann Arthus-Bertrand et réalisée par son équipe. Que dire ? Emotions. Rires. Pleurs. Secousses. Réflexions. Relativisations. Bonneurésolutions. Du mal à partir. A quitter leurs visages. Nos visages. Poussés dehors (gentiment) par les vigiles. Sensation comme après ma retraite de communion. Envie d’être bon. Aimer. Tolérer. Servir. Être un bon homme. Ah ! « Quand les hommes vivront d’amour… » Un seul regret. De taille. L’absence de questions sur le pouvoir, la puissance, la traîtrise, la méchanceté, la corruption, etc. Cela faisait un peu trop devoir de philo. Mais ce qu’il ressort surtout – plus que réponses et questions – ce sont tous ces Autres du monde entier, de toute race, de tout âge, encore naïfs, blasés, blessés, sages, révoltés, courageux, braves, aimants.

Le site web de 6 milliards d’Autres où l’on peut voir des vidéos ‘achement bien

Altération et altérité

Ce soir, en passant devant une librairie, j’ai remarqué dans la vitrine à quelques livres de distance le voisinage de deux mots : altérité et et altération. L’un sur un livre dont j’ai perdu le titre. L’autre à propos d’un dont j’ai aussi perdu le titre. Mais je me souviens de ça : altérité/altération. Je n’avais jamais remarqué leur racine commune. Selon mon Robert, ils viennent tous deux du bas latin : le premier de alteritas et le second de alteratio. Je n’ai pas pu creuser plus loin. Et j’ai résisté à la tentation de rapprocher le « autre » qui a donné naissance à altérité de altération. Pourtant, au sens premier du mot, devenu rare, altération signifie « changement, modification ». Alors qu’au sens commun et actuel, altération signifie dégradation. Voici de quoi méditer sur la peur que je peux, que nous pouvons (parfois ?) avoir de nous perdre en nous ouvrant à l’autre, de nous altérer.

DR GB
DR Lignes de Vie

PS : remarquons encore l’infinie subtilité de la langue française qui a tiré de « altérer » le verbe « désaltérer » !


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Voyage avec une voix

Une voix à la radio. Ses intonations. Sa tessiture. Ses silences entre chaque phrase. Ou ses silences inattendus, pour réfléchir. C’est ça la radio. La grande qualité de la radio. Particulièrement de la radio publique où le temps est donné aux interviewés de répondre aux questions qui leur sont posées. Où il y a du temps. Ce n’est pas une défense du service public. Juste un constat. La qualité de ces radios. Qualité technique des enregistrements. qualité éditoriale.

Ce soir, je traversais Lyon en voiture et j’écoutais en roulant France Inter,  « Portrait d’ANNETTE, française dans la terreur stalinienne » (Réalisation : Michelle SOULIER). Il y avait ce temps laissé à cette vieille dame qui évoquait ses souvenirs, son atterrissage au Bourget en 1946. La qualité de l’enregistrement de sa voix. A travers lui son âge. Son travail de remémoration. J’étais au Bourget en 1946. Elle se souvenait des petites fleurs sur la pelouse de l’aérodrome lors de son atterrissage avec ses deux filles. Elle parlait de sa peur permanente d’être retrouvée ensuite. Reprise. Ce sont des moments comme ça qui font le miracle de la radio.

Avez-vous ce genre de souvenir ? Un voyage en voiture avec une voix. Ou chez vous. Cette émotion de quelqu’un qui s’adresse à vous. Une voix.