cendrillon sans pantoufles, par Angèle Casanova — les vases communicants

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pour la soirée
je suis dispensée
de corset

cendrillon sans pantoufles
je porte
des sandales
un tee-shirt légèrement ajusté
une mini-jupe plissée

je vais à la boum
celle où tout le monde va
j’y vais et ce soir
je ne serai pas différente
et ridicule
je serai comme les autres
en uniforme de gamine
jambes nues
sandales aux pieds
cheveux lâchés
gauche et timide
mais comme eux

j’y vais
je me montre
et je me rends compte
qu’être comme les autres
ce n’est rien
qu’attendre
comme les autres
de vivre

avec mes quilles
ma poitrine menue
mes regards en dessous
mes doigts serrés
je suis encore plus nue
ainsi

nulle carapace
nulle
protection
pour me faire croire qu’il y a un obstacle entre moi
et ma vie

non
plus rien
que ce corps
nu
fragile
qui me fait définitivement
basculer
dans la visibilité

Angèle Casanova

Photo : Angèle Casanova, lien vers la photo grand format


Angèle m’a invité à échanger avec elle pour ces Vases communicants d’avril 2015, j’ai accepté avec plaisir. Le principe des vases communicants ? Deux partenaires qui écrivent l’un chez l’autre le premier vendredi du mois. La liste de tous les échanges est ici, grâce justement à Angèle.

Mon propre texte est sur Gadins et bouts de ficelle, le site d’Angèle : Coupure

Nous avons eu envie de donner une expression féminine et une expression masculine de ce moment de l’adolescence où, d’un coup, l’on se sent devenu une femme ou un homme.

des journées à peindre, Chantal Payet en résidence à Neckarsulm

Accrochages — Symposium de peinture Neckarsulm — Résidence de peinture Chantal Payet
Accrochage des peintures dans le studio, photo Ch.Payet

Neckarsulm, 8 septembre 2014

Il y a le dedans et le dehors.
Dans le studio, l’accrochage des peintures. Des journées à peindre sans connexion autre que soi.
Dans les rues, une fête à boire et à manger, un air saturé d’odeur de friture, d’idiomes incompréhensibles, de musique.
Chantal Payet
en résidence de peinture à Neckarsulm

Site web : http://chantalpayet.fr/

Diptyque-Neckarsulm-1056
Neckarsulm, une petite bourgade très calme avec 12000 habitants et 15000 travailleurs pour Audi… Même un samedi les rues sont désertes. L’atelier est dans un ancien cuvier.

Site web de Chantal Payet : http://chantalpayet.fr/

Vases communicants avec Marianne Desroziers, Fonds marins

No more fish, Barbara Albeck
No more fish, Barbara Albeck

Plaisir d’échanger pour la première fois avec Marianne Desroziers dans ces Vases communicants de janvier 2014. Le principe des vases communicants ? Deux partenaires qui écrivent l’un chez l’autre le premier vendredi du mois. En ce premier vendredi de 2014, Marianne ici, moi chez elle (en attendant que Marianne ait accès à Internet, ma contribution est visible ici : http://youtu.be/pfvxfojl3YI). La liste de tous les échanges est ici, grâce à Brigitte Célérier. Marianne m’a proposé d’écrire à partir d’une photo (ci-dessus) de Barbara Albeck, http://antigoneuh.tumblr.com/. Nous ne sommes donc pas deux partenaires, mais trois.

Fonds marins

L’eau était glacée. Des blocs de glaces flottaient autour d’elle. Elle avait froid, grelottait. Ses lèvres bleuissaient tandis qu’elle s’imaginait faisant naufrage dans l’Antarctique. Elle essayait de flotter mais rester à la surface de l’eau lui demandait beaucoup d’efforts. Ses muscles commençaient à se tétaniser. Son souffle se faisait de plus en plus court.

Que lui était-il arrivé ? Elle ne se souvenait de rien.  Une de ses jambes heurta quelque chose qu’elle ne parvint pas à identifier puis elle sentit une douleur aigüe.  L’eau se colorait de rouge. Elle saignait. Elle allait mourir en mer, en aventurière, comme les grands navigateurs qui l’avaient fait rêver enfant. Ce serait une belle mort, héroïque et grandiose. Son dos cogna tout à coup ce qu’elle identifia comme une paroi. Elle s’y agrippa de toutes ses forces. Elle se hissa et parvint à sortir la tête de l’eau.

La paroi en verre était glissante mais elle parvint quand même à extirper son corps en entier et à passer de l’autre côté. Une fois sur la terre ferme, elle regarda autour d’elle. Elle ne reconnaissait rien des énormes tables, fauteuils, canapés, bibliothèques, rideaux et tapis qui peuplaient la maison. Celle-ci semblait abandonnée depuis longtemps déjà. C’était comme si ses habitants étaient partis en catastrophe, laissant tout en l’état. Elle essora ses cheveux plein d’algues vertes. L’eau dégoulinait le long de son corps,  sur la table en chêne sur laquelle elle se trouvait. Elle se retourna et  comprit qu’elle venait de sortir d’un aquarium gelé au fond duquel gisait un poisson mort.

Marianne Desroziers

Le site de Marianne :  http://mariannedesroziers.blogspot.fr/

Vases communicants avec Christophe Sanchez, C’est de mon pays que je parle

Trois ans ! J’échange pour la deuxième fois avec Christophe, la première était en octobre 2009 (voir son texte et le mien). Le principe des vases communicants ? Deux partenaires qui écrivent l’un chez l’autre le premier vendredi du mois. En cet octobre, Christophe ici, moi chez lui. La liste de tous les échanges est ici, grâce à Brigitte Célérier.

C’est de mon pays que je parle

C’est de mon pays que je parle, tout le temps, depuis le début, c’est de lui que je m’avoue, dans mes mots, dans mon attitude, dans mes certitudes et mes mensonges.

De cette terre, je garde des parfums rares mais pas ceux des dépliants pour touristes amateurs de slogans dépaysant, pas de ceux qui émanent des baratins de tour-operator s’adressant aux marabouts endimanchés accros à la magie africaine bardée de clichés cartes postales.

Non. Moi je garde en mémoire, enkysté en moi, mon putain de pays et mes années rues : les odeurs de suie brune qui damne l’horizon, la touffeur aigre qui s’empare de ta gorge pour mieux la nouer, le mélange du soleil en chape de con et de l’échappement carbone des vieux tacots que la salope d’Europe nous refile par bateaux entiers.

C’est de mon pays que je parle, de la haine que seul le démuni peut connaître face à l’opulence des peuples gras.

Du désespoir que tu craches quand tu vis la rue pieds nus, le bitume années cinquante usé de crevasses brûlantes et la corne que tu dois secréter pour résister à la douleur. De cette vie que les nantis se repaissent pour passer leurs petits maux, des odeurs et des crevures de vie dont ils bavassent et qu’ils ne sentiront jamais, n’auront jamais à pâtir.

C’est de mon pays que je parle pour qu’on sache les murs de chaux et les regards sales.

De cette atmosphère qui te colle les os entre eux et qui jamais repue ne cesse d’écraser ton corps. C’est le goût de la misère qui seule t’aveugle de son jaune pisseux et criard, te laissant croire que demain tu mangeras parce qu’il fait beau. Je garde cette chaleur incandescente comme une bombe à retardement coquée dans mes entrailles. C’est une mèche de bile à qui il ne manque plus que l’allumette – un seul crachat et tout explose.

Christophe Sanchez

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Mon propre texte chez Christophe, Tôt le matin,  est un hommage à Raymond Carver.

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Vases communicants avec Christine Leininger

Christine cherchait un partenaire pour ces vases d’août, j’avais envie d’écrire sur :

« l’étrangeté à être en dehors de chez soi, ou à passer
par un chemin différent du chemin habituel… »

en écho au poème de Raymond Carver où, sorti de son bureau, il se retrouve enfermé dehors à regarder chez lui depuis l’extérieur (dans Là où les eaux se mêlent).

J’ai écrit pour Christine un triptyque intitulé Confusions, cliquez ici pour le lire.

Ou Voici le texte de Christine :

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A la corole de tes regards, au bout de toi je sens la pulpe de ton doigt qui vibre au bord de moi.

Quand les paupières levées tes yeux me prêtent leurs regards, je penche un peu la tête pour me voir de moins haut.

Un souffle sur tes cheveux me fait frissonner.

Chaque soupir de ta pupille résonne dans mes yeux et plus je pourrais me perdre dans la profondeur de ton devenir, plus je sens ta peau friponner sur ma chair.

Ce grain que tu portes comme une mouche volage c’est à mon teint qu’il se marie. De toi à moi, il n’y a que soi où l’on se retrouve un.

En partance pour l’autre versant de nous, j’échelonne nos communes douceurs. Et ta voix fait écho à l’harmonie qui nous lie telle une gerbe d’épis de seigle.

Je turbulente nos incarnations et titube dans tes pas trop grands pour là. Mais ta main multiplie la mienne et nos visages floutent nos êtres dans la même silhouette complexe.

Et c’est là que de moi à toi un fil se tisse malingre qui m’entraîne dans une même devenance.

Christine Leininger

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La liste à jour des autres participants à ces Vases communicants est ici :
http://rendezvousdesvases.blogspot.fr/2012/06/liste-aout.html

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