À supposer que Bernard Victorri, directeur de recherches au CNRS, qui avait tenu fin octobre 2014 devant des Normaliens la conférence L’origine du langage ait fait son jogging le dimanche 16 novembre suivant vers 10h15 au Parc de la Tête d’Or à Lyon, dans les environs de l’entrée côté boulevard des Belges, le 16ème lyonnais — mais cela n’a rien à voir avec les origines du langage —, il aurait entendu un garçon de quatre cinq ans demander à son père, tout en pédalant, les raisons de la mort à l’âge d’un an du frère de son grand-père.
« Il avait de l’eau dans le cerveau, lui répondit son père pédalant à ses côtés, maintenant on pourrait le soigner. »
Puis ce garçon posa des questions sur le cerveau lui-même, ce qui aurait amené un sourire sur le visage en sueur de Bernard Victorri repensant à son argumentation en trois points, à savoir la capacité des langues humaines à emboîter des phrases les unes dans les autres (vers 8’30’’), autrement dit la récursivité ; à dérouler dans une même phrase des événements situés dans des temps différents (vers 9’10’’) ; et enfin à nuancer des assertions (vers 10’10’’).
Trois arguments qu’au terme de sa conférence Victorri avait ramassé dans la supposition que les langues serviraient à l’humanité à raconter des histoires, ce que savent bien conteurs et écrivains. Et, tout en courant à petites foulées sur l’allée de ceinture du parc jonchée de feuilles mortes, aurait-il songé que tout ce qu’il avait raconté dans sa conférence tenait dans le « pourquoi » de ce gamin. Comme au nombre de pourquoi qu’un gamin pose et aux trésors de langage nécessaires pour lui répondre. Il en serait finalement arrivé à ses propres pourquoi, que lui, chercheur en linguistique, a passé sa vie à explorer en utilisant le langage.
Gilles Bertin
Le « À supposer » qui ouvre ce texte est une forme contrainte inventée par Jacques Jouet, de l’Oulipo.
Conférence de Bernard Victorri enregistrée à l’ENS et publiée par UniverScience sur DailyMotion le 30 octobre 2014, puis sur YouTube en 2015.