planter

Pourquoi le simple fait de :

  1. acheter sur le marché quelques godets de géraniums et de menthe, persil, thym,
  2. les planter dans des jardinières sur le rebord d’une fenêtre

met-il dans un état de bonheur si fort ?

Est-ce l’excitation propre au printemps ? Le toucher et la manipulation de la terre ? Le fait de planter ? Celui de se reconnecter au temps des saisons ?

Est-ce que ce sentiment (et cette émotion) perdura dans le futur quand nous aurons encore plus perdu contact avec les éléments naturels ? L’être humain aura-t-il un jour totalement perdu toute relation de ce genre ?

La différence entre les deux photos des jardinières AVANT et APRES la plantation fournit une réponse. Toutefois, il manque l’essentiel dans ces photos, intraduisible ici, la magie de ce samedi matin de printemps. Ce quelque chose dans l’air qui n’existe qu’à ce moment de l’année.

Les jardinières avant l'opération

Là où les eaux se mêlent

Le confluent vu de la rive gauche du Rhône

Le confluent du Rhône et de la Saône à Lyon vu de la rive gauche du Rhône – DR Lignes de vie

Là où les eaux se mêlent, en anglais Where water comes together with other water, est le titre d’un poème de Raymond Carver. Un poème sublime, édité en 10/18 (n° 2607, 1995) dans un recueil éponyme. Où Raymond Carver file la métaphore du fleuve pour parler de la vie. Il y parle d’années. De sa vie à 35 ans puis à 45 ans. De son coeur qui a repris vie depuis.

A Lyon, les deux fleuves se mêlent au milieu d’un écheveau d’autoroutes, d’échangeurs et de voies ferrées. Et sur cette pointe du confluent, la ville et le département sont en train d’édifier un nouveau musée, entièrement en surfaces vitrées. Et ce tableau est complété d’un aquarium peint en bleu industriel.

Quand on balade ou fait son footing sur les berges du Rhône, on voit nettement la différence de couleur entre Saône (plus boueuse) et Rhône (plus bleu). C’est tout ce qu’il reste des fleuves, cette différence de couleur. Tout le reste est noyé dans le bruit, les routes et les constructions.

Que fait cet homme assis face à ce confluent ? Joue-t-il avec son téléphone portable ou pense-t-il à sa vie ? A moins qu’il ne fasse les deux.

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Là où les eaux se mêlent, Raymond Carver, éd 10/18, 1995

Altération et altérité

Ce soir, en passant devant une librairie, j’ai remarqué dans la vitrine à quelques livres de distance le voisinage de deux mots : altérité et et altération. L’un sur un livre dont j’ai perdu le titre. L’autre à propos d’un dont j’ai aussi perdu le titre. Mais je me souviens de ça : altérité/altération. Je n’avais jamais remarqué leur racine commune. Selon mon Robert, ils viennent tous deux du bas latin : le premier de alteritas et le second de alteratio. Je n’ai pas pu creuser plus loin. Et j’ai résisté à la tentation de rapprocher le « autre » qui a donné naissance à altérité de altération. Pourtant, au sens premier du mot, devenu rare, altération signifie « changement, modification ». Alors qu’au sens commun et actuel, altération signifie dégradation. Voici de quoi méditer sur la peur que je peux, que nous pouvons (parfois ?) avoir de nous perdre en nous ouvrant à l’autre, de nous altérer.

DR GB
DR Lignes de Vie

PS : remarquons encore l’infinie subtilité de la langue française qui a tiré de « altérer » le verbe « désaltérer » !


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