La Remorque, Bruno Poissonnier

La Remorque, Bruno Poissonnier, éd. Métailier - Photo Luis Castaneda Inc.

Ma colère m’a abandonné.

Avant La Remorque, j’avais lu Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés de Marie Pezé (éd. Pearson) et La fin du courage de Cinthia Fleury (éd. Fayard). Deux livres constats sur une société – la nôtre – où la violence désincarnée de la guerre économique n’a pas, n’a plus, ni limite, ni – face à elle – de morale, d’utopie, de courage, de sens collectif.

Puis, au Salon du livre, sur le stand Métailié, je suis tombé sur La Remorque de Bruno Poissonnier.

Petit livre de 84 pages, 91 avec le glossaire des termes de batellerie. Il a la puissance du Vieil homme et la mer. Il a la présence de la nature, du fleuve, des livres de Maurice Genevois. L’épure masculine de l’oeuvre d’Hubert Mingarelli.

L’histoire : la crue du Rhône et, l’affrontant, un bateau. A la barre,  se relayant, Armand et Laurent, père et fils. A leurs côtés, Veline, la mère, et Paul, le deuxième fils, déficient mental mais prescient. Entre eux quatre, deux affrontements.

Premier affrontement centré sur la puissance à opposer au fleuve en crue : celui autour du moteur de la péniche, vieillissant et à la ramasse. Bataille de la virilité entre père et fils. Histoire de transmission.

Deuxième affrontement plus doux, non frontal. Celui entre deux façons d’appréhender les forces déchaînées. Façon lutte du père et de son fils aîné. Ou façon intuition et tolérance de la part de la mère et du second fils, un garçon ultra-sensible.

Huis-clos familial. Confrontation à l’impérieuse force du fleuve, le Rhône. Beauté (jamais surlignée) des berges, du ciel. Horreur du secret tapi dans les profondeurs des eaux. Histoire de quatre être unis.

En lisant La Remorque, ma colère velléitaire face aux forces (soit-disant aveugles…) en oeuvre dans la guerre économique est tombée. J’ai retrouvé ce qui animait ma famille paysanne, ce même acharnement à survivre face aux forces sourdes de la nature. Forces plus admissibles (puisque non causées par des humains) que celles qui ravagent les femmes et les hommes venant à Nanterre aux consultations « Souffrance et travail » créées par Marie Pezé.

La Remorque est un livre fort, pudique et intime comme un batelier à la barre de son bateau. Son auteur, Bruno Poissonnier, l’a été. Son récit est juste. Et humain. Ce qui le distingue.

La Remorque, Bruno Poissonnier, éd. Métailié, 5 euros, 91 pages.

Publié par

Gilles Bertin

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6 réflexions au sujet de « La Remorque, Bruno Poissonnier »

  1. Pour si bien en parler, avec tant de force communicative, c’est que tu l’as aimé ce petit livre! Tu donnes envie de le lire!

  2. Il faut être en colère, parfois, Gilles, c’est trés sain ! Voilà un nouveau petit livre musclé que tu nous dévoiles et tu sais que j’ai toute confiance dans le lecteur que tu es :0)

  3. Ce livre a un aspect qui peut sembler désuet (France en train de disparaître) et par conséquent masquer sa dimension allégorique. Comme la barquasse du pêcheur du Vieil homme et la mer. Ce qui compte est la solidarité face à la crue.

  4. Du coup j’ai cherché sur Wikipedia « L’homme du Picardie », je ne connaissais pas.
    Moi je pense parfois à une chanson infiniment belle et triste de Brel :

    Tout le contraire de Brel, cet homme absent de la vie.

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