Publication dans l’anthologie Le syndrome aux éd. Les deux crânes

Ce beau livre, épais, de 220 pages réunit 13 nouvelles et d’autant d’auteurs qui explorent un bouquet de syndromes, de Médée à Cotard, de Münchausen au loup-garou, du vampire à celui de l’écrivain, sans rapport entre ces deux derniers. Georges Poulain, le héros de Il ne veut rien demander est atteint du syndrome de Diogène.

Anthologie Le syndrome Les deux cranes avec une nouvelle de Gilles Bertin Montcharmont

Un fait divers m’a — hélas — inspiré cette nouvelle. L’histoire d’un vieil homme retrouvé des semaines après son décès dans son taudis sous les toits, une ancienne chambre de bonne encombrée d’immondices, sans eau ni électricité, sans toilettes ni téléphone. Les personnes manifestant le syndrome de Diogène accumulent les objets de façon compulsive, sans pouvoir les jeter, leur appartement envahi du sol au plafond, à tel point qu’il faut parfois les vider arbitrairement quand il menace le voisinage. Thierry Jonquet s’en est inspiré aussi pour son roman noir La Belle et la Bête. Toutefois, et même s’il ne veut absolument rien demander à personne — il a abandonné depuis longtemps toute sa famille — Georges Poulain nous adresse à travers le dénouement de Il ne veut rien demander un message de liberté et d’évasion sous la forme d’un secret façonné de ses mains.

Les nouvelles de cette anthologie sont de Philippe Caza, François Dieuaide, François Fierobe, Carine Coulon, Thierry Jessua, Pierre Laurandeau, Geneviève Le Bras, Jean-Louis Lejonc, Pascal Malosse, Philippe Nadouce, Nolwe Pamart, Tampa Simoni et de moi-même.

L’anthologie est illustrée par Wood, avec un dessin par syndrome et texte, et celle que vous voyez sur la couverture ci-dessus.

Présentation des nouvelles et de leurs auteurs ici :

https://lemanoirdeslettres.forumactif.com/t266-anthologie-le-syndrome-2022

Bonne lecture.

Le Syndrome, anthologie, éd. Les deux crânes, 2022 — 10 € — ISBN 978-2-9575119-2-1

Pour le commander : https://lesdeuxcranes.jimdofree.com/boutique/

Publication de « Ratabougo » aux éditions L’Ourse brune

Ma nouvelle Ratabougo vient de sortir à L’ourse Brune, avec en couverture un papier chinois de l’artiste Louis-Marie Catta. Elle est accompagnée de trois autres livres de ce nouvel éditeur qui se spécialise dans la nouvelle, un genre merveilleux, où en 40 50 pages et moins d’une heure on embarque lectrices et lecteurs dans une histoire forte, avec deux trois personnages qui vont à l’essentiel des sentiments, des passions. Je n’en dirai pas plus que dans la vidéo ci-dessous, sauf qu’il s’agit d’une question que chacun de nous a à régler au moins une fois dans sa vie, sinon deux. Une question qui tient en un mot pour les deux héros de cette histoire, « Ratabougo ».

Ratabougo - Gilles Bertin - editions Ourse brune 800
Ratabougo, nouvelle, Gilles Bertin, éd. L’Ourse brune

Les autres livres publiés par L’Ourse Brune

L’Ourse Brune a été créée cette année 2020, avec 4 titres à son catalogue. Voici les 3 autres :

  • Ma bonne Marguerite, Jacqueline Dewerdt-Ogil
  • L’émigrante, Marie-Claude Viano
  • Portrait en bleu, Ève Roland

Librairies où trouver Ratabougo et les autres livres de l’Ourse

Les livres de l’Ourse Brune sont commandables dans toutes les librairies de France. Ils sont référencés dans Électre.

Ils sont en rayon ici :

Paris

  • Librairie Vocabulaire, 39 Boulevard de Port-Royal, 13e
  • Librairie Le pied à terre, 9 rue Custine, 18e

Avranches

  • Librairie Mille et une pages, 3 Rue du Dr Gilbert
Librairie Mille et une pages Avranches

Photo GB

Granville

  • Librairie L’Encre bleue
  • Librairie Le détour

Acheter Ratabougo par Internet

Vous pouvez commander Ratabougo sur Internet avec un paiement sécurisé HelloAsso (banque Crédit Mutuel) ici :


Ratabougo, nouvelle, Gilles Bertin, éditions L’Ourse brune, ISBN978-2-9573320-0-7, 12€

Site web de l’éditeur : loursebrunenouvelles.wordpress.com/

C’est la faute à

Image from page 56 of "The works of Voltaire : a contemporary version with notes" (1901)

Bondissez queue en l’air comme Voltaire
sur l’épaule de cet homme à la peau bleue
dévorez lui l’oreille
introduisez votre langue dans sa tête
aspirez de toutes vos forces
tirez votre yatagan de son fourreau
mettez lui dans les mains
posez votre tête sur ce billot
qu’il vous la tranche

Gilles Bertin


Paris, métro ligne 9, 27 février 2019

Les poèmes de métro publiés ici sont regroupés sous #poemes-de-metro

La forme Poèmes de métro a été inventée par Jacques Jouet, membre de l’Oulipo.

Illustration : Image from page 56 of « The works of Voltaire : a contemporary version with notes » (1901) — Aucune restriction de droits d’auteur connue — Source : internet archive book images

Quand tout sombra

Le néon s’éteignit une seconde et se ralluma. Mon visage qui avait disparu réapparut dans le miroir. Je tenais ma tondeuse à barbe et de mon autre main tendais la peau de mon cou pour ne laisser échapper aucun poil. C’est étrange, pensai-je, mais cela peut arriver. Je continuai la progression de la tondeuse vers mon menton.

La lumière s’éteignit à nouveau, puis revint dans une sorte d’hésitation langoureuse, avec une progressivité qui me rassura. Des travaux dans le coin, peut-être. Il s’était écoulé une dizaine de secondes.

Il y en eut une troisième.

J’arrêtai ma tonte, attendant la suite. L’intervalle entre les coupures raccourcissait, puis il sembla se stabiliser au rythme d’une toutes les deux trois secondes, tel un stroboscope au ralenti. Mon visage réapparaissait de plus en plus stupéfait.

Image from page 355 of "Geriatrics : the diseases of old age and their treatment, including physiological old age, home and institutional care, and medico-legal relations" (1914)

Je posai ma tondeuse et allai au salon. Je n’allumai pas et m’approchai des fenêtres. Dehors dans la nuit finissante, la ville clignotait. Au même rythme que dans la salle de bains. Comme pour adresser un message en morse aux astronautes de la station spatiale. Ou bien à des extra-terrestres en maraude dans ce coin du système solaire. Les deux grandes tours du quartier d’affaires de la Part-Dieu, que l’on surnomme ici le crayon et la gomme, clignotaient aussi. Ainsi que les enseignes rouges sur les toits des quais. Comme le morceau de la basilique de Fourvière qui dépassait au-dessus de l’immeuble en face. Machinalement, je vérifiai qu’il n’y avait personne sur ce toit. Une fois, j’avais vu un couple y faire l’amour couché sur les tuiles, à vingt mètres du sol, et je conservais l’espoir d’en surprendre un nouveau. Je me penchai derrière la fenêtre. En bas, dans la rue, les lampadaires clignotaient aussi.

J’allai chercher mon téléphone et consultai le site du Monde.  Rien de neuf depuis la veille. Je me branchai sur le site d’un journal local. Rien non plus. Et sur Facebook. Pareil.

Une dernière fois, cela s’éteignit.

Je dis « une dernière fois », mais je ne savais pas alors que cela n’allait pas se rallumer. J’attendis en vain. Comptant en silence les secondes. Tout était obscur.  Comme à la campagne. Dans une forêt. C’était les ténèbres. La nuit. La vraie.

Je m’habillai en vitesse et dévalai l’escalier sans essayer d’appeler l’ascenseur.

J’ouvris la porte sur la rue.

Une masse gris clair gisait sur le trottoir dans la pénombre épaisse. Un corps.

Pacman's 19th nervous breakdown OR: Stop smoking — by Rookuzz.. CC BY 2.0 : https://www.flickr.com/photos/72283508@N00/

J’hésitai une seconde et me précipitai à son secours. Sous mes doigts, je sentis une tenue de travail au tissu raide. C’était un homme robuste, couché sur le ventre, visage dans le sol. Il avait dû trébucher sévèrement dans la bordure du trottoir. Je pris son poignet, cherchant son pouls.

Il était mort.

Je me relevai, examinai les alentours. C’était une nuit épaisse comme du ciment à prise rapide. J’étais englué dedans déjà, perdu dans ma propre rue. Une lumière rouge diffuse irradiait de l’escalier d’une traboule. Ce quartier en pentes est sillonné de ces passages qui coupent au vif entre les immeubles agenouillés au flanc de la colline. En m’approchant de cette lueur rougeoyante, je trébuchai dans un deuxième corps.

Mort aussi.

Un balai était tombé près de lui comme l’arme d’un soldat. C’est là que je sentis le froid monter de mes reins à mes épaules, ma chemise collée à mon corps par une sueur glacée.

Image from page 170 of "Elementary and dental radiography" (1813) — Aucune restriction de droits connue

Je m’approchai prudemment de l’escalier. La lumière rouge provenait des feux arrière d’une voiture coincée tout en bas, cul en l’air. Visiblement, elle avait dévalé les marches depuis la rue qui arrivait du dessus. Je descendis vers elle et la contournai. J’allumai la lampe de mon téléphone. Une femme était les jambes sur le volant, tête et torse tassés contre le pare-brise, des cartons répandus autour d’elle parmi une flopée de prospectus pour le candidat du Parti Républicain aux prochaines élections. Je n’avais pas besoin de chercher son pouls pour savoir qu’elle était morte. C’était son décès qui avait provoqué cet accident et non l’inverse, j’en fus certain, sans en avoir de preuves tangibles autres que les deux corps là-haut.

J’eus alors l’idée d’examiner mon téléphone. Plus aucune barre, le réseau était mort.

C’est la fin du monde, pensai-je.

Je partis au hasard. D’autres cadavres gisaient sur les trottoirs et les chaussées. Des lycéens avec leurs besaces. Un vieux chibani emmêlé dans sa canne. Une joggeuse. Un cycliste et son vélo. Il y avait un siège bébé sur le porte-bagages.

Je m’accroupis. L’enfant était versé en biais, crâne dans le sol, ses yeux grands ouverts. Je m’écroulai en chien de fusil sur le goudron, tête dans les mains, mon regard dans son regard mort.

Gilles Bertin


Photos :

  • Image from page 355 of « Geriatrics : the diseases of old age and their treatment, including physiological old age, home and institutional care, and medico-legal relations » (1914) — from Internet Archive Book Images Aucune restriction de droits connue
  • Pacman’s 19th nervous breakdown OR: Stop smoking — by Rookuzz.. CC BY 2.0
  • Image from page 170 of « Elementary and dental radiography » (1813) — from Internet Archive Book Images Aucune restriction de droits connue