Ma nouvelle Ratabougo vient de sortir à L’ourse Brune, avec en couverture un papier chinois de l’artiste Louis-Marie Catta. Elle est accompagnée de trois autres livres de ce nouvel éditeur qui se spécialise dans la nouvelle, un genre merveilleux, où en 40 50 pages et moins d’une heure on embarque lectrices et lecteurs dans une histoire forte, avec deux trois personnages qui vont à l’essentiel des sentiments, des passions. Je n’en dirai pas plus que dans la vidéo ci-dessous, sauf qu’il s’agit d’une question que chacun de nous a à régler au moins une fois dans sa vie, sinon deux. Une question qui tient en un mot pour les deux héros de cette histoire, « Ratabougo ».
Vidéo de présentation
Les autres livres publiés par L’Ourse Brune
L’Ourse Brune a été créée cette année 2020, avec 4 titres à son catalogue. Voici les 3 autres :
Ma bonne Marguerite, Jacqueline Dewerdt-Ogil
L’émigrante, Marie-Claude Viano
Portrait en bleu, Ève Roland
Librairies où trouver Ratabougo et les autres livres de l’Ourse
Les livres de l’Ourse Brune sont commandables dans toutes les librairies de France. Ils sont référencés dans Électre.
Ils sont en rayon ici :
Paris
Librairie Vocabulaire, 39 Boulevard de Port-Royal, 13e
Librairie Le pied à terre, 9 rue Custine, 18e
Avranches
Librairie Mille et une pages — Click and collect
Granville
Librairie L’Encre bleue — Click and collect
Librairie Le détour
Librairie Le détour, Granville
Acheter Ratabougo par Internet
Vous pouvez commander Ratabougo sur Internet avec un paiement sécurisé HelloAsso (banque Crédit Mutuel) ici :
J’emmène mon cheval avec moi / quand arrivent les nuits noires » commence Albane Gellé, l’une des 84 poètes de cette exceptionnelle anthologie, panorama de la création poétique de langue française contemporaine parue en février, alors qu’un virus se nichait parmi nous.
« Alors, poursuit-elle, si on réussit à avoir tous les deux le courage du coquelicot on aura encore des forces pour les jours à venir ».
Albane Gellé, page 193
La contribution d’Albane Gellé est une variation, une approche parmi 84 autres de ce mot de « courage » choisi cette année 2020 pour le Printemps des poètes. Ça tombe bien, nous en besoin, de cette force de roseau du coquelicot sous le vent, de son écarlate qui palpite dans le vent, de sa Claude monnaie, de sa propension à pousser « sous les sabots ».
Ce pack de poèmes par ce chœur de 84 voix donne une vision plus que revigorante de la création de langue française aujourd’hui. D’ardeur, en fête. Sur ce cheval qui revient souvent, « On traverse les forêts comme un tranchement de gorge » écrit Cécile Coulon page 113. « La pierre, d’ordinaire sombre et lisse, noire comme l’avenir » est de la couleur des toiles de Soulages.
Huile sur toile 203x143cm, 30 novembre 1967, Donation Pierre et Colette Soulages, musée Soulages, Rodez. Photo Vincent Cumillière. Pour le Printemps des Poètes 2020.
Le peintre a cent ans cette année, il a donné au Printemps des poètes 2020 son affiche. Un noir qui est aussi de la couleur du poison, celui de Charles Juliet,
« Couché dans le creux de tes bras il tétait le lait de ta mélancolie un lait noir amer corrosif […] dans la confusion il a lutté régurgité le lait noir s’est construit
Charles Juliet, pages 217, 218 — Extrait de Moisson
Le poète le connaît bien ce courage de toute une vie à se construire.
Autre courage, tout aussi tétu, le courage de la joie de Florentine Rey, que l’on trouve dans toute son œuvre et dans ses performances publiques, l’une des signatures de sa poésie,
Je traîne en haut du paysage
Le défi : ne pas fondre
J’avale goulument l’air glacé
Ronde comme une lune je dévale les cols et me cogne aux bords du monde J’ouvre la bouche en grand sous l’ondée L’eau ressort par mes pieds
Florentine Rey, page 305 — Florentine Rey est l’une des invitées du numéro 1 de la nouvelle revue Pourtant, qui sortira en juin.
Cali, Charlélie Couture, Brigitte Fontaine, Sapho, Laurent Gaudé, Tahar Ben Jelloun aux noms grand-publiquement connus pourront être pour le lecteur intimidé par la poésie une invitation à mettre le pied dans ce gros livre de 392 pages, comme on tâte l’eau de la mer au printemps avant une première baignade. Il pourra s’ébrouer avec le plus jeune de cette cohorte, Alexandre Bonnet-Terrile, 21 ans,
Soyez indulgents par pitié Je parle Je respire Je marche Je me tiens debout devant vous depuis si peu Je ne sais pas de quelle façon m’y prendre J’ai souvenir d’un monde qui n’existe pas
Alexandre Bonnet-Terrile, page 85
Ce dernier vers sonne plus encore dans cette pandémie, sur nous humains, et notre monde.
Ou avec Rim Battal, poétesse de l’interrogation de ce que nous sommes aujourd’hui, femme et homme, homme et femme,
Vu le bois de mon aisselle envoyée par mail ma mère me somme de contraindre la nature encore en ce lieu délicat
de correspondre
Rim Battal, page 57
Le courage de commencer, le courage de s’en aller, du dernier bain,
Tout à l’heure, je ne serai plus, tu ne seras plus. La vraie douleur c’est que de jour en jour approche, mais ce qui est persiste, c’est notre ignorance à son propos. Demain, ou dans une semaine, un mois… […] Ah, sers-moi tant que tu peux, musicien. Tu as rempli de caresses mon existence qui s’en va.
Voici les robes éclatante des promeneuse, Et la langue tirée des petits chiens au poil roux.
Marie-Claire Blancquart, page 46 puis page 43
Marie-Claire Blancquart, disparue en 2019, comme l’ami Michel Baglin aux vastes mains et à la voix cassoulet. Et encore d’autres,
Il y a tant de pas entre vous que j’écris dans la marge.
et
Le courage d’une mouche est parfois de ne pas sucer l’étron sur lequel elle se pose
Cécile Guivarch, page 204, et Serge Pey, page 285
Arthur Rimbaud s’en allait les poings dans ses poches crevées. Thomas Vinau, lui, proclame de sa poésie :
J’écris pour garder et pour regarder. J’écris pour ce matin de fin janvier dans lequel nous marchons ensemble jusqu’à l’école sous la lune froide comme réverbère givré. Ce matin où, arrivé devant sa classe le plus petit s’est affolé en se rendant compte que son pull n’avait pas de poche. J’écris pour ces petites poches et pour ce matin où, ne sachant plus quoi faire de ses mains, de ses os, de sa terreur, il devient imperceptiblement plus grand, imperceptiblement plus beau encore, tellement digne d’amour, en affrontant ce qui d’un seul coup lui manque.
Thomas Vinau, page 364
Achetez ce livre, il vous donnera du courage chaque matin, il vous donnera le courage tétu de Charles Juliet, la joie de Florentine Rey, la grâce du coquelicot d’Albane Gellé, longtemps, longtemps. Il est publié par Le Castor Astral.
L comme Libraire et Librairie ! Votre libraire vient de réouvrir. Allez lui acheter cette anthologie ! À Paris, ce livre est marqué “en stock” dans 46 librairies sur la plateforme Paris Librairie ! Il vous suffit de le réserver et de passer le chercher dans l’une de ces 46 boutiques essentielles, comme l’est la poésie, comme l’est le courage. En Nouvelle Aquitaine, l’anthologie est disponible, réservable et enlevable (“click and collect” !…) dans 20 librairies sur Librairies Indépendantes en Nouvelle Aquitaine.
Gilles Bertin
Au sommaire, entre autres parmi les 84, et en plus des auteurs déjà cités: Jean-Pierre Chambon, Jacques Darras, Patrice Delbourg, Jean-Marc Flahaut, Guy Goffette, Yvon Le Men, Éric Poindron, Joseph Ponthus, Valérie Rouzeau, James Sacré, Jean-Pierre Siméon, André Velter.
Nous, avec le poème pour seul courage, Collectif ; Anthologie réunie et présentée par Jean-Yves Reuzeau ; Éd. Le castor astral, 393 pages, 15€
Vous le savez peut-être, en septembre dernier, des amis et moi avons lancé un projet de revue de création littéraire et photographique. Dimanche 15 mars, veille du discours de Macron où il annoncerait le confinement, il nous a paru :
à la fois impossible et obligatoire de continuer notre projet de revue. Place donc aux deux, à un journal en ligne avec nos contributeurs comme à la suite de notre projet.
(c’est ce que j’écrivais sur la page d’accueil du site de la revue quelques jours plus tard)
Nous avons discuté deux heures au téléphone et décidé de lancer ce projet de revue en ligne. Notre désir : enregistrer et garder trace de ce moment, par l’écriture et la photographie. Une dizaine d’autrices, d’auteurs, de photographes de la revuePourtant ont répondu à notre invitation.
Sarcignan, photographe et auteur, avec Foyer de contagion, journal de confinement, lui qui travaille en prison.
Sophie Bernier depuis le Québec avec Fantasmes interdit, ses 7 péchés du confinement.
Valérie Souchon avec Confinements, sa chronique poétique. Extrait de son 35e jour :
Ma boussole indique toujours le Nord les bruits se réveillent avec fracas la factrice reprend ses habitudes et dérape sur les graviers mes voisins âgés font raser la pelouse […] on dirait que quelque chose entend reprendre le dessus et bien que je m’obstine à la retourner ma boussole indique toujours le Nord.
Que lui faut-il de plus pour qu’elle soit bouleversée ?
Et moi, « Moi, moi je me prenais pour moi » comme chantait Brel, avec une photographie depuis ma fenêtre, chaque jour. Le procédé, largement utilisé par moult photographes, m’a paru approprié à cette période À résidence où nous entrions voici déjà une éternité, mardi 17 mars.
18 mars
25
30
7 avril
En réalité, j’ai pris la première le 2e jour, le 18.
D’autres participations vont arriver ces prochains jours.
Hubert Mingarelli est décédé aujourd’hui, 27 janvier 2020. La lecture de son premier roman paru en 1999 dans une collection hors jeunesse, Une rivière verte et silencieuse, m’avait marqué. J’avais eu l’occasion de l’interviewer pour l’hebdo culturel Le Petit Bulletin et, en 2004, de chroniquer un autre de ses livres, La dernière neige, dans Plumart, un journal culturel lyonnais en ligne.
Je republie ci-dessous cette interview (merci au Petit Bulletin) et cette chronique.
Hubert Mingarelli au cours d’un petit-déjeuner littéraire dans le cadre du 20e Festival international de géographie à Saint-Dié-des-Vosges — Photo (recadrée) de Ji-Elle, CC BY-SA-3.0
Cette herbe poussait si vite que personne ne jugeait utile de couper une herbe qui aurait repoussé le lendemain. Elle commençait derrière les maisons et, me semblait-il, s’étendait aussi loin que la vue portait depuis le sommet du château d’eau. Mais je ne pouvais pas l’affirmer, car je n’étais jamais monté sur le château d’eau.
C’était une herbe mystérieuse.
Je pouvais marcher une heure sans rencontrer autre chose que ces herbes qui me dépassaient d’un demi mètre en hauteur, mais laissaient entrer la lumière du soleil, de sorte qu’il n’y avait rien d’effrayant à y marcher, même sur un kilomètre à l’intérieur.
Une rivière verte et silencieuse, Hubert Mingarelli, éd. du Seuil, 1999
Interview de Hubert Mingarelli en 1999
Interview parue dans Le Petit Bulletin de Grenoble à l’occasion de la sortie d’Une rivière verte et silencieuse.
Hubert Mingarelli est l’auteur d’un premier roman très remarqué (et très beau), Une rivière verte et silencieuse (éd. du Seuil). Ses livres précédents ont été édités dans des collections destinées aux jeunes. Il vit dans un hameau près de La Mure.
Vous avez pas
mal bourlingué avant d’écrire. Pourquoi ?
Je me suis engagé à 17 ans dans la marine pour échapper à la vie d’usine et à la Lorraine. Cela a été trois années de galère terribles moralement mais qui m’ont permis de savoir ce dont je ne voulais, les gens avec qui je ne voulais pas être. Ensuite durant un an, ça a été la pure aventure dans toute l’Europe avec deux copains à vélo. Nous vivions de la musique que nous faisions. Ensuite j’ai fait plein de petits boulots, durant presque vingt ans. Cela a duré jusqu’à il y a deux ans. Je faisais de l’alimentaire pour avoir le maximum de temps pour créer. Je savais depuis le début de l’adolescence ce que je voulais faire, que je ne serais heureux qu’en faisant des choses venant uniquement de moi, et l’art permet cela.
Votre roman est
un dialogue père/fils, sans mère, où rien n’est dit directement. C’est une voie
assez peu explorée ces temps-ci en littérature française.
Ce que fait le
père dans le roman est une métaphore de tout ce que j’ai voulu faire dans la
vie, il plante des rosiers, il va de boulot en boulot. Un critique a dit que le
tunnel d’herbe où marche le fils représente le cocon maternel, cela m’a plu
mais j’essaie de ne pas trop creuser. Je fais confiance à l’intelligence du
lecteur quand j’écris, je me donne beaucoup de mal, j’ai envie qu’il
s’implique, qu’il fasse lui aussi beaucoup dans la lecture.
Vous écrivez
depuis dix ans. Que représente ce début de succès représente pour vous ?
C’est vachement
important. Si j’écris c’est pour que l’on aime ce que je fais. J’ai toujours eu
une bonne critique pour mes livres précédents, cela m’a beaucoup aidé et m’a
permis d’évoluer, de prendre des risques en écriture. Tout le monde peut
raconter une bonne histoire, ce qui fait la différence, c’est la technique,
quand un livre est bien écrit, quand il est honnête, quand il ne sent ni
l’effort, ni la fabrique. Comme les écrivains que j’aime, London, Kerouac,
Brautigan, Fante, Carver, Bukowski. Entre ce qu’ils ont écrit et ce qu’ils ont
vécu, il y a un rapport étroit, il y a de la chair. Une œuvre ça vient de soi,
sinon on est dans le consensus. Les bons livres, c’est toujours
autobiographique.
Propos recueillis pour le Petit Bulletin par Gilles Bertin
La dernière neige
Il y a de petits livres comme ça… comme Le vieil homme et la mer… des petits livres où deux hommes, un qui commence sa vie, un qui la termine, se confrontent à l’essence du monde. Un espadon et un milan. L’océan et la montagne. Hemingway Mingarelli, la comparaison est légitime. De livre en livre, Hubert Mingarelli épure, dépouille, essenciellise, ne laisse à ses personnages que leurs pieds, leurs mains et quelques paroles. Leurs pieds dans ces chaussures qu’ils cirent parce qu’ils savent que ce cuir doit être protégé, qu’il est essentiel. Leurs mains qui ne se touchent pas. Qui ne manipulent plus que l’essentiel. Un peu d’argent. De la nourriture. Leurs paroles sont rares. Ils marchent dans des étendues sans fin. Prairies de ce magnifique Une rivière verte et silencieuse. Neige uniquement tachée par les plaques bleues des mares gelées de La dernière neige. Les personnages de Mingarelli ne se parlent qu’à travers des histoires d’animaux ou d’objets, des histoires d’hommes. Un fils et son père. Le père à un bout de la vie, sans ressources dans Une rivière verte et silencieuse. Cloué au lit, proche de la mort dans La dernière neige. Et c’est le fils qui va au monde. Qui veut ce milan dans sa cage. Qui le rapporte au père. Qui fait de lui cet homme qui a un fils. Mingarelli n’en sait pas plus. Il n’a pas de théorie, pas de morale, pas d’introspection. Il écrit des histoires, vraies. Il les commence avec ce fils et son père. Ce fils qui marche. Ce père sur son lit de mort. Et nous allons ensemble, lecteur et écrivain, au bout du livre avec ces deux hommes, comme nous allons dans nos vies entre notre père et notre fils. Et qu’en dire d’autre que c’est peut-être ça qu’un père attend pour partir, que son fils aille au monde et qu’il lui ramène encore une fois.