Histoires (presque) vraies, Marlène Tissot

L'atelier, fragment 271 - Sténopé Gilles Bertin

Qu’est-ce qui se passe dans ta tête
lorsque tu t’assois là
rigide
sec de gestes et de mots
est-ce que tu sais le temps que j’ai perdu
à tenter de déchiffrer tes silences ?
à lire l’absence de sentiments sur
la pierre de ton visage ?
qu’est-ce qui se passe dans ta tête
dans ta peau
dans cet habit prison que tu t’es fabriqué ?
est-ce que tu me le diras un jour ?
est-ce que tu me parleras
une fois, rien qu’une fois
avant que ta bouche devienne poussière ?
est-ce que tu me regarderas
comme tu regardes ta bière ?
est-ce que tu me crieras ta joie
comme à ce joueur de foot dans la télévision ?

Papa Tango Charlie (extrait), page 75

Un jour, quand j’avais huit ans
papa m’a demandé « Qu’est-ce que tu fais ? »
j’ai répondu « Un bonhomme de neige »
c’était sur la plage, en juillet

Histoires (presque) vraies # 2 (extrait), page 18

J’ai aimé le recueil Histoires (presque) vraies, de Marlène Tissot, découvert lors du Marché de la poésie 2015 de Paris, dans la collection poésie dirigée par Frédérick Houdaer chez les éditions Le pédalo ivre.


Marlène Tissot, Histoires (presque) vraies, éditions Le pédalo ivre, collection poésie, 77 pages, parution mai 2015, prix : 10€

Photo : L’atelier, fragment 271 – Gilles Bertin

Portrait d’une ombre, Jacques Chessex

Atelier fragment 6184 — Photo Gilles Bertin

Pourquoi me suis-je tu quand tu vivais ? Pourquoi n’ai-je pu, une seule fois, explicitement, t’assurer, te rassurer, te donner clairement la confiance et l’affection dont je regorgeais ? Nous subsistons dans l’implicite, l’allusion, le non-dit. Nous sommes des bêtes taciturnes au regard plein de larmes. Depuis j’ai appris à ne pas cacher ma tendresse ou ma colère, mais je l’ai appris sans toi. De cette faiblesse, de ce manquement, je souffrirai sans doute à jamais.

Jacques Chessex dans Portrait d’une ombre

Présentation de l’éditeur : Jacques Chessex a écrit Portrait d’une ombre en 1976, vingt ans après le suicide de son père. Il y dit la peine, le regret de l’irrémédiable. Il parle à la présence qui se manifeste sans cesse à lui et porte son écriture. Ce texte, où alternent la prose poétique et les vers, reprend l’un des thèmes principaux de l’écrivain, né en 1934 dans le canton de Vaud, et qui a reçu le Prix Goncourt en 1973, pour son roman, L’Ogre.

Portrait d’une ombre, Jacques Chessex, éditions Zoé, collection Mini Zoé, 48 pages, parution 1999, prix : 3,60€

Photo : L’atelier, fragment 6184, multi exposition, Gilles Bertin