Vases communicants avec Maryse Vuillermet – Wart

Maryse m’a invité à ce Vase communicant de juillet avec elle. Nous avons choisi en fil commun une photo de Mathieu Neuville. C’est donc un vase à trois ! Merci Mathieu.

Mon texte chez Maryse s’intitule Le Choix de Witold. Voici le sien, Wart :

Wart, par Maryse Vuillermet

Tu vois, il y a le grand frais Hallal, ensuite le terrain du marché aux puces, il y a des grilles tout autour assez hautes et au milieu un grand bâtiment, sur un des murs, y a une de mes premières fresques, tu suis les grilles, tu arrives au canal, tu suis la berge, elle est surélevée, en ce moment, il y a de très grandes herbes, des arbustes, c’est très touffu, très vert, tu arrives vers un campement, attention, c’est plein de chiens, assez hargneux, tu vois des maisons en bâches de plastique, tôles et en bois, tu contournes, tu continues, tu arrives au parc et moi, je suis là, au fond, vers la route, dans la cour d’une ancienne maison de gardien, ou de jardinier, un squat, en pleine verdure, je t’attends encore un moment, j’ai fini ma fresque, j’ai bien brûlé. Les graffeurs, ils disent comme ça, une belle fresque, c’est une brûlure ! J’ai pas compté les heures, six, sept peut-être.

Antho et Momo, photo de Mathieu Neuville
Antho et Momo, Friche industrielle de Vaulx-en-Velin © Mathieu Neuville

Un beau format quatre sur quatre, un immense personnage, elle se voit bien, elle gicle bien, chaque voiture, chaque vélo qui va passer en prendra plein les yeux.

J’ai les mains qui brûlent, j’ai mis une bande mais malgré tout, ça fait mal, t’as des ampoules, et des blessures, je sens l’essence comme un camion de pétrole. Tu verras ma signature en bas, à droite, Wart, ça veut dire war la guerre et art l’art, c’est secret, il y a que toi qui sais que c’est moi.

War, parce que je me bats, pour moi, toutes les nuits, c’est la guerre, pour trouver l’emplacement, y accéder, grimper, l’éclairer, trouver le recul, graffer, placer les couleurs, un combat d’alpiniste, d’escaladeur de cathédrale, d’attaquant de citadelle, de château-fort, mais si c’était facile, j’aimerais pas et si c’était juste pour grimper et prendre des risques non plus, parce que c’est aussi mon art, ma bataille, l’art et la guerre, l’art de la guerre.

Depuis le collège, je traîne la nuit, j’use mes baskets et mes nerfs, ma mère me dit que ça me calme, elle, elle bouge pas de la télévision, d’un côté, le paquet de caramels et de l’autre, la bouteille de Jet, et elle s’endort. Mon père travaille de nuit, le matin, il se couche, l’après-midi, il se lève, va voir ses copains et recommence. On se croise tous, on se voit pas !

J’ai cherché les endroits, j’ai commencé par le plus grand le chantier, celui de la clinique de l’Europe, des palissades à perte de vue, mais ça grouillait et ça frappait, y a des méchants chez nous, ils se déplacent en meutes, moi, je suis un loup solitaire, je cherche pas les bandes, la compagnie, je cherche les endroits où il y a personne, j’ai abandonné le terrain, je me suis replié par ici, vers le Rhône, vers les berges, le canal, y en a pas beaucoup qui viennent là, ils trouvent que c’est pas assez urbain, qu’il y a trop de vert, ils ont peur du vert les rats des villes !

Toi aussi t’es une guerrière, quand je t’ai vue la première fois, non, quand je t’ai entendue, j’ai entendu ta voix avant de te voir, j’ai entendu sa force dingue, sa puissance et après, je t’ai vue toute petite, toute maigre, tes petits os du cou qui vibraient, ta petite poitrine.

Tu verras à mon personnage, je lui ai mis des petits os aux épaules bien pointues, bien affutés, comme des petits poignards et elle se croise les bras, elle a l’air de défier le monde, et je lui ai fait des yeux verts immenses, un lac de vert, plein d’algues, un vert de jeunes feuilles bien costaudes, mais des yeux un peu drôles, qui dominent gentiment, qui n’ont pas peur, juste un petit sourire qui éclaire !

Parce que toi, parfois, tu es bien triste, encore plus que moi ! Mais toi aussi tu es Wart, t’as ta guerre et ta musique, toi aussi tu vis pour ça, quand tu lances ton chant par-dessus les toits de Saint-Jean, ça me glace le sang, ça me donne la chair de poule, ça me donne envie de crier, ça me vrille, ça me scotche, toi aussi dans ton domaine, tu allumes les murs et tu transperces les nuages !

En t’attendant, je cherche l’emplacement de la prochaine fresque, je crois que j’ai trouvé ! C’est la cité Marhaba, elle va être détruite, tous les habitants déplacés. J’ai vu un mur tout au bout, une petite maison déjà vidée de ses habitants, toute seule, en bout de rangée, en bout de courses. Je vais dessiner leur cité, comme je la vois sous les dents des bulldozers, je comprends pas qu’on rase des cités, des tours, des usines, des grands géants qui s’effondrent en poussières. Mes parents, ils en sont à leur deuxième tour, celle d’avant, elle a disparu, rien, le Titanic, coulée, ensevelie. Je me demande pourquoi on s’acharne, on a honte de nos maisons, de nos usines, on veut les oublier, les rayer du monde, on veut pas les voir, même pas en photos, mêmes pas à plat, en noir et blanc. Moi, j’aime, plus elles sont moches, grises, immenses, plus elles ont l’air désolées, isolées, oubliées, vidées de leur sang, plus elles m’attirent.

Je ne sais pas où tu es, si tu viendras. Encore une cigarette et je partirai. Peut-être demain, tu viendras ! T’as peut-être fait de mauvaises rencontres, il faut éviter les chiens errants, j’aimerais pas qu’on t’abime.

Je t’ai mis un mignon petit débardeur rose, fuchsia, fraise tagada, et un foulard dans les cheveux, avec des nœuds. C’est pas ton style, mais ça change, ça te change, en grafant, je pensais à toi, à tes colères, comme tu brûles toi aussi. Tu croises les bras bien serrés sur ta poitrine, on dirait que tu souffles par le nez, je te vois comme une petite chèvre qui a mal mangé, à qui les autres n’ont pas laissé assez de place autour de l’abreuvoir, elles te donnent des coups de corne, tu es furieuse.

Encore un moment et je me lèverai, j’irai marcher vers le métro. J’y ai jamais vraiment cru que tu viendrais, ici, c’est le bout du monde, c’est plus la ville, c’est pas la campagne, ça n’a pas de nom, comment tu aurais fait pour me retrouver. Encore une petite bravade de ta part.

Repose-toi, arrête de marcher, trouve un coin pour dormir, dans un foyer, dans un dortoir, pose ton sac, ton petit haut-parleur, garde ton écharpe autour du cou, il fait frais. Ton écharpe, je l’ai transformée en foulard rose, tu mets que du noir, ça te fait très pâle, du rose, ça t‘éclairerait le visage.

Tu sais moi, je vois le monde en couleurs, des couleurs fortes, criardes presque, les murs blancs sales, je leurs mets des couleurs, je les brûle. A toi aussi, je t’ai mis des couleurs, petite chèvre têtue. Quand tu te réveilleras, tu ne seras plus en noir et blanc, c’est fini, c’est passé le noir et blanc, on est passé à la couleur, le vieux film est mort, le muet aussi, toi, tu fais la voix, la bande son, moi, je colorise, je mets les bleus, les cyans, les jaunes, les magenta, tu reconnaitras plus autour de toi, c’est du technicolor, grand écran, sur murs géants, fresques à volonté, son en dolby stéréo, un mélange de mangas, de western spaghettis, de films très lents à la Ozu, un vieux Ennio Morricone et ta voix balancée, puissante. On sera dans le Désert d’Arizona, dans un jardin japonais à Kyoto, au milieu des rizières, du soleil qui éclabousse, on sera tous les deux.

Maryse Vuillermet

Lire mon texte Le Choix de Witold chez Maryse Vuillermet : http://www.maryse-vuillermet.fr/

Photo : Mathieu Neuville, avec son autorisation

La galerie de Mathieu sur Flickr : www.flickr.com/photos/labodeguita/with/5582151483

Mathieu a illustré un autre texte ici : https://www.lignesdevie.com/2012/05/a-2-pates/

Les autres Vases communicants sont :

Le démon a la banane

Beasty, The BSD daemonAnge déchu, esprit du mal, diable, Abaddon, Baal, Belphégor, Belzébuth, Lilith, Lucifer, Moloch, Satan… tous oldies, vintage ! Le démon est défait : la mondialisation, la science, les boîtes de nuit et la contraception ont eu sa peau. L’est loin le temps du curé d’Ars ! Harangait ses ouailles ainsi Jean-Marie Baptiste Vianney :

« Voyez, mes frères, voyez ! les personnes qui entrent dans un bal laissent leur ange gardien à la porte. Et c’est un démon qui le remplace ; en sorte qu’il y a bientôt dans la salle autant de démons que de danseurs. »

Pourtant…

Le démon, Sigmund Freud l’Abel et bien repeint cinquante ans après Ars. Une OPA en bonne et due forme :

« Le diable n’est pas autre chose que l’incarnation des pulsions anales érotiques refoulées. »

« Le père serait […] le modèle primitif et individuel aussi bien de Dieu que du Diable. »

À propos du père, justement, Carl Jung renvoie papa Sigmund dans ses corners : « Bien et mal sont consubstantiels, sont des mythes et non des métaphores… » Si le démon est, il n’est pas littéraire. Fini le démon ! À sa place, la fosse des Mariannes de l’absence de sens. Comment combler cette béance dans l’occidentale way of life ? Dans L’arrache-coeur (et non L’attrape-coeurs, bande de mécréants!), Jacquemort s’y colle :

L'arrache-coeur - Boris Vian« Je suis vide. Je n’ai que gestes, réflexes, habitudes. Je veux me remplir. C’est pourquoi je psychanalyse les gens. Mais mon tonneau est un tonneau des Danaïdes. Je n’assimile pas. Je leur prends leurs pensées, leurs complexes, leurs hésitations, et rien ne m’en reste. […] Je veux faire une psychanalyse intégrale. Je suis un illuminé. […] Celui que je psychanalyserai comme ça, il faudra qu’il me dise tout. »

Quel benêt !… Les gens du coin n’ont pas besoin de psychanalyse. Ils ont La Gloïre :

– Qu’est-ce qui vous est arrivé ? demanda Jacquemort. Vous êtes tombé de la barque ?

– Je faisais mon travail, dit l’homme (La Gloïre). On jette les choses mortes dans cette eau pour que je les repêche. Avec mes dents. Je suis payé pour ça.

– Mais un filet ferait aussi bien l’affaire, dit Jacquemort.

– Il faut que je les repêche avec mes dents, dit l’homme. Les choses mortes ou les choses pourries. On les jette pour cela. Souvent on les laisse pourrir exprès pour pouvoir les jeter. Et je dois les prendre avec mes dents. Pour qu’elles crèvent entre mes dents. Qu’elles me souillent le visage.

– On vous paie cher pour cela ? demanda Jacquemort.

– On me fournit la barque, dit l’homme, et on me paie d’honte et d’or.

Au mot « honte », Jacquemort fit un geste de recul et s’en voulut.

– J’ai une maison, dit l’homme qui avait remarqué le mouvement de Jacquemort et souriait. On me donne à manger. On me donne de l’or. Beaucoup d’or. Mais je n’ai pas le droit de le dépenser. Personne ne veut rien me vendre. J’ai une maison et beaucoup d’or, mais je dois digérer la honte de tout le village. Ils me paient pour que j’aie des remords à leur place. De tout ce qu’ils font de mal et d’impie. De tous leurs vices. De leurs crimes. De la foire aux vieux. Des bêtes torturées. Des apprentis. Et des ordures. »

La Gloïre mourira (oui, il mourira !) 17 ans plus tôt que Jacquemort. Ni l’un, ni l’autre ne savent que « l’espérance de vie des égoutiers parisiens est de 17 ans inférieure à la population de référence nationale… Les égoutiers décèdent prématurément de cancers et d’infections contractés à cause de leur activité professionnelle dans les égouts. » Si Jacquemort avait eu connaissance des conclusions de cette étude de l’INSERM de 2010, il aurait eu encore davantage honte de sa honte (le pied, non ?).

Le démon - Hubert Selby

1976…

Le démon est new-yorkais, cadre en pleine ascension sociale, mais quelque chose le tenaille :

« Ses amis l’appelaient Harry. Mais Harry n’enculait pas n’importe qui. Uniquement des femmes… des femmes mariées. »

Préalablement à ce premier paragraphe de The Demon (in french, Le démon), Hubert Selby s’est fendu de cette autocitation : « Un homme obsédé est un homme possédé du démon. » Le résumé de Wikipedia :

« L’histoire de The Demon est celle de Harry White, cadre efficace promis à une brillante carrière dans une entreprise new-yorkaise, fils modèle vivant chez ses parents. Harry a donc tout pour être heureux et réussir, mais il a en lui un démon. Au début du livre, ce démon le pousse à coucher avec des femmes, mariées de préférences, afin d’éviter qu’elles ne s’attachent à lui, mais aussi pour augmenter son excitation sachant qu’il peut être découvert par l’époux. Harry parvient à vivre ainsi, entre ses pulsions et sa vie de cadre célibataire. Mais le démon devient de plus en plus fort et il a de plus en plus de mal à le gérer, cela finit par déborder sur son travail à plusieurs reprises. Malgré ses pulsions, Harry parvient à grimper dans la hiérarchie de son entreprise, tout en donnant l’image de la réussite. Cependant, alors que les apparences montrent un succès fulgurant, l’état psychologique de Harry se détériore. Coucher avec des femmes mariées ne lui suffit plus, il couche alors avec des femmes alcooliques plus ou moins en marge de la société puis, cela ne lui apportant plus le frisson qu’il recherche, il se met à voler, et lorsque le vol n’assouvit plus son démon, il se met à tuer. » (Le démon, Source Wikipedia)

BSD daemonLe démon ne cesse de se réincarner. Un de ses derniers avatars littéraires, le daemon (notez le passage du « é » au « æ ») :

Quand Hiro a écrit les algorithmes concernant les combats au sabre à l’intérieur de Soleil Noir – ils ont été repris ensuite et adoptés dans tout le Métavers – il s’est aperçu qu’il n’existait pas de manière optimale de traiter l’après-vie. Les avatars ne sont pas censés mourir. Ils ne sont pas censés se décomposer. Les créateurs du Métavers n’ont pas eu l’esprit assez morbide pour prévoir une demande dans ce domaine. Mais le but d’un combat au sabre est de trancher son adversaire pour le tuer. Il a donc fallu que Hiro concocte un programme qui empêche le Métavers de se retrouver, un jour ou l’autre, jonché d’avatars inertes, démembrés ou imputrescibles.

Snow crash - Le Samouraï virtuel - Neal StephensonL’évacuation des avatars morcelés est le travail des daemons fossoyeurs, une nouvelle catégorie du Métavers que Hiro a dû inventer. Ce sont de petits êtres agiles vêtus de noir des pieds à la tête, comme des ninjas, sans même une ouverture pour les yeux. Ils sont rapides et efficaces. Au moment même où Hiro s’écarte des tronçons de son ex-adversaire, il sortent par des trappes invisibles ménagées dans le sol du Soleil Noir pour converger sur le Japonais terrassé. En quelques secondes, ils ont fourré les morceaux dans des sacs noirs et disparaissent par le même chemin dans les galeries secrètes de leur monde inférieur. Deux ou trois clients curieux essaient de les suivre en forçant l’ouverture des trappes, mais leurs doigts d’avatars ne trouvent rien d’autre qu’une surface lisse et noire. Le réseau de galeries n’est accessible qu’aux daemons fossoyeurs.

Et à Hiro, accessoirement. Mais il se sert rarement de ce privilège.

Le Soleil Noir est le bar réservé à l’élite du Métavers, un univers virtuel accessible uniquement par ordinateur, bien avant Second Life et Facebook. Le sous-sol du Métavers grouille de daemons. Comme La Gloïre dans L’Arrache-coeur, ils nettoient les saletés des habitants de leur monde, et en silence, s’il vous plaît ! Hiro Protagoniste, le héros bien nommé de Snow Crash, roman culte de Neal Stephenson, (mal traduit en français en Le Samouraï virtuel), les a programmé : le démon est devenu un logiciel.

La Chute de Simon le magicien, Gislebertus, l'un des chapiteaux de cathédrale d'Autun

Or donc, le monde est toujours une pastèque tranchée en deux parts. En front-office, le bien, l’efficacité, le management proactif, les chartes qualité, le tri des déchets, la vie sans tabac, le blabla durable. En back-office, dans les caves, les caniveaux, sous les divans, des galops  de diablotins.

Mais au Moyen-Âge alors ? Ce temps de tous les diables. Des peurs. Sans culture. Ce creux dépressif de l’Occident, entre les Grecs et les Lumières. Ce démon médiéval serré comme un expresso à une terrasse romaine doit être horrifique. Mais non, en 1130, Gislebertus, sculpteur de Cluny, d’Autun et de Vézelay lui donne une gueule hilare, une trogne de bourguignon mettant les tonneaux en perce, de libertin en chasse. Le démon a déjà la banane. « N’ayez pas peur », dixit Jean-Paul II.

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L’arrache-cœur, Boris Vian, éditions Jean-Jacques Pauvert, 1962

Le démon, Hubert Selby Jr, trad. par M. Gibot, éd. Les Humanoïdes associés, 1976, rééd. 10/18.

Le Samourai virtuel (Titre originel : Snow crash, 1992), Neal Stephenson, éd. Le Livre de Poche

Beasty, The BSD daemon, https://www.google.fr/search?hl=fr&safe=off&q=Beastie…

« A 2 pâtes »

Pour ce texte, le photographe Mathieu Neuville (voir son travail sur Flickr sous le nom de Milwair), a accepté de partager l’une de ses photos de la Place Sathonay à Lyon où était (il n’existe plus, hélas !) le restaurant « À 2 pâtes ». Merci Mathieu.

Transpiration © Mathieu Neuville, all rights reserved. Expérimentations étudiantes des grands ateliers de l'Isle d'Abeau, place Sathonay Lyon, Fête des Lumières 2010.

   Les pâtes et les arbres, les arbres et les pâtes, le trottoir étroit, les tables en fer, les sacoches et les sacs à main entre les pieds, la nuit tombée, lui travaille derrière le comptoir, seul à l’intérieur, la salle est vide, on boit du vin en l’attendant, douceur de mai ou de juin, les pétales opales des fleurs des marronniers, à deux mètres une forêt de vélos, tous les vélos du quartier, on n’ose pas bouger, on discute, on a passé sa commande il y a un bon moment, quand il arrive on mate les assiettes qu’il pose devant ses voisins, on se sourit, on attend encore, la bouteille est finie, on va en chercher une autre, la carte est la même depuis trois quatre ans, gnocchi, canelloni, ravioles, penne au pesto maison, on attend depuis si longtemps qu’on n’a plus faim, mais ses pâtes !… celles qu’ils préparent en ce moment, ses mains cachées derrière le comptoir, mais les arbres !… la nuit et l’été !… mais ses pâtes !

Temps des tags

 

 

Temps des tags

 

Elle a sur chaque paupière

une punaise pointe en l’air

 

même visage d’après ses accouchements

doux et las

leurs bébés près d’elle menottes crispées

dans le berceau standard de la maternité

 

elle ouvre la bouche

une poignée de punaises jaune laiton roule sur sa langue

aux commissures de ses lèvres

dégoulinent des écrous pour modèles réduits et leurs rondelles inox

 

il la regarde

quinze ou vingt ans après leur séparation

elle lui rend visite parfois

il la découvre allongée sur son lit

bras collés au corps

 

tout tombait

les cartes postales

les calendriers les photos leurs cadres

les maquettes se désagrégeaient

ils s’écrivaient sur les murs

 

Maison de Sansais, le matin

Publication de « L’importance de l’homéopathie » dans la revue Borborygmes

Au nom de la revue Borborygmes, je vous invite ce vendredi 20 janvier au lancement de son numéro 20, à la librairie Matière à Lire, Paris 12ième. Des comédiens et des musiciens animeront la soirée. Je serai de la fête avec ma nouvelle L’importance de l’homéopathie.

Peinture Frédéric Fau en couverture du n°20 de Borborygmes
Peinture de Frédéric Fau en couverture de Borborygmes n°20

Pour un auteur, être publié est essentiel. Quand il s’agit d’une parution dans une revue comme Borborygmes, c’est un bonheur particulier. Car Borborygmes, revue semestrielle de création littéraire et graphique, mène depuis vingt numéros un travail constant de sélection et de publication soignées de textes et de travaux graphiques. Les textes sont très divers, de l’écriture de fiction à la poésie, avec beaucoup d’auteurs nouveaux — c’est une revue réellement ouverte !).

Elle a fait un choix à contre-courant d’autres revues (Décapage, Dyptique notamment) sur le format : il s’agit du « plus petit semestriel le plus petit du monde » (son slogan clin d’oeil) et en noir et blanc qui lui permet de sortir à un coût très bas, 5 euros !

La couverture du numéro 20 (ci-contre) est assurée par le peintre Frédéric Fau. Au vu des extraits de son travail sur son blog, je suis impatient de découvrir ses oeuvres le 20 janvier.

Extrait du début de L’importance de l’homéopathie :

La première personne qui m’a prêté attention était une jolie brune, frisée, avec une poitrine de lanceuse de javelot. Je l’entretenais depuis une dizaine de stations de la bande de Gaza. Vous avez raison, m’a-t-elle dit soudain, il faut faire quelque chose ! Et l’Iran, ai-je continué, il y a tant à dire sur l’Iran ! Sans oublier la Corée…, m’a-t-elle rétorqué.

  • Revue Borborygmes, 5€, en (bonnes) librairies ou sur abonnement – Infos : http://borborygmes.wordpress.com/
  • Soirée de présentation du n°20 et du recueil de poèmes L’astre métis, 20 janvier 2012 de 19h à 22h (ATTENTION changement d’heure, c’est à 19h et non à 19h30), à la librairie Matière à lire, 20 rue Chaligny, Paris 12ième – Entrée libre