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Sur cette photo,
ce sont mes deux grands-mères,
elles marchent ensemble bras dessus bras dessous,
c’est un jour de fête de famille,
elles vont à la salle des fêtes,
discutant.
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Ma grand-mère paternelle a une canne, elle avance avec difficulté et ne sourit pas. Mon autre grand-mère a une tête de moins mais elle continuera une quinzaine d’années. Elle a tout le bonheur du monde sur son visage. Leurs maris, mes grands-pères, sont morts depuis quelques années.
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Ce serait bien de les revoir toutes deux ensemble, côte à côte, un jour d’été, elles qui ne sont plus là depuis un bon moment.
Quelle chance d’avoir ce carré de photo pris entre une église et une salle des fêtes, un jour de communion solennelle.
De les regarder des années après, l’une allant au rythme de l’autre, absorbées dans leur conversation, ne me voyant pas les photographiant, prélever un instant de ce jour ensemble.
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Désormais c’est au tour de ma mère de marcher ainsi. Elle n’en a pas peur, non.
C’est de ne plus avoir sa mère qui la fait souffrir,
d’être seule devant.
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Ensuite, ce sera à moi.
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Nous aurons fait l’un après l’autre, nous suivant, un bon bout de chemin.
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Voilà à quoi je pense devant cette photo, ma famille en marche.
Moi. Mes enfants. Ma mère. Et mes deux grand-mères.
Je les vois encore, ce jour-là, vingt ans de ça au moins, allant bras dessus bras dessous.
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Gilles Bertin
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Texte initialement publié le 4 décembre 2009 dans les « Vases Communicants » chez Enfantissages
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