Ta femme me trompe, David di Nota

Dualité, Frederique Manley
Dualité, Frederique Manley (c)2012 — Découvrir l’artiste Frederique Manley

Roman très court, une heure trente de lecture, au sujet sans importance, un adultère entre une bourgeoise et un journaliste, mais vif — oui, vif ! —, avec un style et une ironie (qui m’ont semblé) originaux dans la production française. Le style ? Minimaliste boosté aux ellipses et aux phrases commençant par une phrase et terminant par une autre. Chapitres ultra courts, vu la ténuité du sujet, cela évite de s’ennuyer. Du Yasmina Reza sans la présence de l’auteur, du Jean Echenoz sans limitation de vitesse (par moments, on se croit chez Minuit dans quinze ans). Les personnages ? Curieusement, c’est le narrateur (roman au « je »), ce journaliste, auquel on s’identifie le moins. Le cocu et la femme adultère sont très humains et subsistent après la lecture. Sans doute parce que le sujet de ce mince livre est justement de se moquer de ce « je » d’aujourd’hui, un type toujours dans l’à peu près, en journalisme comme en sexe, dans une autosatisfaction évitante, se foutant du monde en fait. L’ironie est puissante, excessive, arrivant de tous côtés. Dans les sujets traités par le journaliste, une actrice porno reconvertie dans le catholicisme. Dans le comportement de la bourgeoise adultère qui le double en écrivant l’article qu’il aurait pu écrire si. Dans ses justifications à chaque conséquence de ses à peu près.

La campagne s’éveillait à peine, mais le chant des grillons ne fit que m’irriter, d’autant qu’une série de questions touchant la jeune actrice occupait mon esprit. J’espérais renouveler de fond en comble mon sujet (c’était là mon habitude), mais j’ignorais comment raconter cette histoire correctement. Après avoir remercié le chauffeur du bus, je pris un chemin de traverse, et fis un signe au premier paysan que le hasard plaça sur ma route. L’homme m’indiqua presque aussitôt, avec cette spontanéité haute en couleur qui rend cette terre si attachante, un bar où il me serait très facile de la rencontrer. (Fin chapitre 1)

 

Je rentrai à l’hôtel et fixai mon retour au lendemain matin. Certes, je n’avais pas rencontré Claudia Koll. Les rares renseignements que j’avais obtenus sur son compte provenaient d’une source indirecte et peu fiable. Mais l’habitude de faire comme si j’avais interviewé les gens n’avait rien d’extraordinaire chez moi. Ce n’était pas la première fois que je trompais mes lecteurs, et ce n’était sûrement pas la dernière. Chapitre 12

Ta femme me trompe, David di Nota, éd. Gallimard, 2013 — 15,90€ en papier, 11,99€ en numérique.

Publié par

Gilles Bertin

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4 réflexions au sujet de « Ta femme me trompe, David di Nota »

  1. Frédérique, je l’ai acheté en numérique, je dois pouvoir te le prêter sur ta tablette ! On se passe bien des livres papier.

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