L'année-sabbatique - Pascal-Garnier

De tels tailleurs de crayons

L'année-sabbatique - Pascal-GarnierLévy signait chez Gibert Saint-Michel ce jeudi. La veille Jenny avait reçu le Goncourt. L’avant-veille Charlie deux cocktails molotov. La Grèce sauvée perdue resauvée reperdue. Les bourses re-remontaient. Le monde était n’importe quoi et ça se voyait. À dix-neuf heures pétantes, Lévy est parti laissant esseulés une dizaine de ses groupies en tailleurs et costumes sombres. Ils ont continué à discuter entre eux – mais de quoi pouvaient-ils parler ? À la lettre G, dans le rayon du bas, au raz du sol – il faut s’agenouiller pour l’atteindre – Pascal Garnier et Romain Gary étaient côte-à-côte. Leur voisinage réintroduisait un  peu d’ordre dans le n’importe quoi. Parmi la quinzaine de livres de Pascal Garnier serrés l’un contre l’autre, il y en avait un jamais là habituellement, L’année sabbatique. Une édition P.O.L. de 1986. Des nouvelles. Couverture vintage. Photo de Doisneau. Un vieux couple lourd comme la pendule sur le marbre de la commode. Leur photo de mariage, ils étaient minces. Tellement Doisneau. La première phrase du recueil :

Ils n’avaient nulle part où aller, alors, ils y allèrent.

Ce jeudi, plus personne ne croyait à rien, sauf ceux qui avaient encore un dieu et s’y cramponnaient. Côté anglophone, à la lettre M, il y avait les Lettres de Katherine Mansfield.

Lettres - Katherine-MansfieldOh ! que j’ai envie de bonheur — d’un monde qui ne soit pas toujours détraqué ! Vivre constamment sur la défensive, que c’est fatigant ! Pourquoi les gens ne veulent-ils pas vivre plus librement et plus largement ? Non, ils sont là, recroquevillés comme de petites plantes dans de petits pots qu’on aurait dû mettre en terre depuis des années et des années.

Katherine Mansfied écrivait cette lettre le 22 août 1918.

 N’est-ce pas que « David Copperfiled » est adorable ? […] Oui, Charles Dickens rend nos hommes plus petits que jamais, n’est-ce pas, et de tels tailleurs de crayons !…

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Lettres, Katherine Mansfield, Bibliothèque Cosmopolite, éd. Stock.

L’année sabbatique, Pascal Garnier, éd. P.O.L.

Publié par

Gilles Bertin

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2 réflexions au sujet de « De tels tailleurs de crayons »

  1. Je veux les deux ! C’est malin, Gilles. Comme si je n’avais pas assez de livre à lire (je veux les deux quand même, c’est comme ça, je suis gourmande). J’adore cette première phrase.

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