Des lunettes, des lunettes, des lunettes

Mes lunettes j’ai perdu dans le TGV lundi dernier. Voici que je parle comme Obi-Wan Kenobi. Tout ça pour placer en premier de ce post le sujet de ce post : les lunettes.

Or donc, ayant perdu mes lunettes dans un train je me rendis aux objets trouvés, espérant par une chance incroyable, peut-être, oui peut-être les y retrouver.

Et les deux employés m’accueillirent en dépensant le moins possible d’énergie, afin sans doute de réduire au minimum (et non au maximum comme s’y emploient les conducteurs restants de 4×4) leur empreinte écologique. L’un deux tendit un bras, captura un carton et me le posa devant le nez. L’autre me précisa, « il y a la date dessus ». Et ils replongèrent dans la discussion chewing-gum dont je le savais dérangés.

Je plongeai mes mains dans les lunettes. Le carton en était plein, à raz bord. Je les sortis les unes après l’autres. Des paires toutes légèrement différentes. Montures de métal fines, en général. Variaient seulement la taille des verres. Parfois un incident dans cette succession : une branche qui manquait par exemple. Et moi d’imaginer son possesseur dans le train, penché sur son écran d’ordinateur, son Equipe, son Monde ou son Figaro, selon sa sensibilité, ses lunettes tenues par une seule branche, oscillant sur l’arête de son nez à chaque mouvement de sa tête.

Je déballai des dizaines de lunettes. Je les déballais avec un zeste de gêne. Elles venaient toutes de visages différents. C’était un peu comme si touchant ces lunettes, je palpais ces visages. Gênant, oui. Très intime.

Ayant vidé le carton et les ayant entassées en un tas hétéroclite, je les repris brusquement à pleines poignées et les jetai dans leur carton, pressé de partir de là, de quitter ces deux hommes assis là pour vingt ans encore, des hommes trouvés, eux aussi, comme ces lunettes attendant ici, vainement.

D’ailleurs, pourquoi parle-t-on « d’objets trouvés » ? On devrait parler « d’objets perdus ». Non ?

Et vous, qu’en pensez-vous?

ECG, bilan cardiaque et moral

Ce soir, je suis allé faire un bilan cardiaque car j’étais inquiet. Depuis plusieurs jours, j’avais mal dans les bras, les épaules, surtout à gauche. De là à me dire que c’était le coeur, il n’y avait qu’un battement. D’autant que j’ai une ascendance côté paternel fragile du palpitant. Or donc, après moult échographies, ECG, tension et le toutim, je me suis retrouvé dans la rue en train de siffler un air de Joe Dassin… Et oui, quand je suis gai, je siffle ses airs entraînants. Par exemple « siffler là-haut sur la colline ». Et ce n’est pas rien en ces temps de crise d’autant que du côté de mon job, ça secoue et ça me tracasse depuis un bout de temps.

Or donc, sortant du cardiologue rassuré, j’étais gai.

Comme on dit, quand la santé va, tout va.

Et ce n’est pas tout, il (le cardio) m’a complimenté sur tout l’exercice que je fais et qui explique ma forme en mon début de cinquantaine (j’en ai profité quel bonheur c’est de Courir au Parc de la Tête d’Or ).

Et, philosophant ensuite au téléphone avec ma compagne là-dessus, j’ai mis en évidence à quel point le moral peut être sournoisement empoisonné par l’instillation de petites mauvaises nouvelles, des mails méchants, des mesures RH empoisonnantes et que la solidité d’un individu peut vite être mise à mal et comme il peut alors perdre de vue quelques uns des éléments fondamentaux de sa vie, ses réalisations personnelles en dehors du boulot, l’amour de ses proches, sa santé.

Merci, mon cardio.

Fiel, mon envie

Si la notion de péché capital est has been aujourd’hui, elle demeure pourtant diablement présente en ce qui concernent l’envie ainsi que son marqueur le plus indubitable, le fiel. Près de deux millénaires après l’invention du concept par Evagre le Pontique dans sa retraite ascétique dans le désert, l’envie perdure, aussi basique, atavique, primaire qu’alors, tant dans le for intérieur des individus qui s’y abandonnent (avec délectation, perversité, égoïsme ?) que polluante, voire empoisannante au sens premier du mot, au sein des groupes dans lesquels ils vivent. On peut s’y laisser prendre si l’on n’a pas l’œil. Car l’envie à l’origine du fiel avance toujours masquée, habilement. Deux études de cas.

Première, à l’entrée de la cafétéria du service central d’une université, un matin. Protagonistes : deux hommes, A1 et B1. A1 est de passage, il a été employé ici durant un certain nombre d’années. B1 est celui qui est à la cause du départ de A1. Il avait été mis au-dessus de lui. Autour de A1, quelques collègues heureux de revoir A1 et de lui demander de ses nouvelles. Surgit B1. Quelle est sa réflexion après avoir salué A1 ? Un pur morceau de fiel : « Ah, ça paie bien XXX. » (XXX est le nouvel employeur de A1), fait-il à A1 en désignant la très belle veste en cuir que porte celui-ci.

Deuxième cas, lors de la réunion mensuelle d’une association. Protagonistes : deux femmes, A2 et B2. A2 papote avec 4 ou 5 autres membres de l’association, toutes des femmes. Surgit B2. « Ah, fait-elle à A2, on ne te voit plus. Tu ne viens jamais chez moi (B2 accueille une fois par semaine des membres de l’association). Tu devrais venir ! » Un moment de silence puis elle place son morceau de fiel : « C’est sûr, quand on est avec quelqu’un… »

B1 et B2, même combat. Ils s’attaquent à A1 et A2 pour la même raison de fond, ils les envient. A1 parce qu’il gagne plus que B1. A2 parce qu’elle a une relation amoureuse alors que B2 est seule. Leurs deux remarques sont des vrilles qu’ils enfoncent dans la peau de leurs victimes sans défense, des vrilles très fines, en apparence anodines, en apparence seulement, car elles vont faire leur effet durant des jours, des semaines, voire des mois à la fois chez leurs victimes et dans les esprits des témoins de la scène. B jouent et gagnent sur tous les tableaux. Ils culpabilisent A de leur bonne fortune (au lieu de s’en réjouir, ce qui est la définition même de la jalousie), se présentent ainsi sans le dire explicitement comme de « pauvres » victimes et associent les témoins de la scène à leur cause.

Car, et cela est à remarquer, dans nos deux cas comme dans tous les autres, cela se passe toujours devant témoins. Non seulement parce que l’effet maximal est obtenu ainsi mais aussi parce que leurs victimes ne pourront pas se défendre. L’attaque est trop soudaine, trop inattendue. En plus, elle est présentée avec le sourire (toujours !), avec un argument imparable, la belle veste en cuir, la relation amoureuse. Sur le coup, les victimes de ces attaques n’ont pas le temps de comprendre et d’analyser la vraie raison de ces attaques. Et pour cause, elles sont centrées alors sur la petite blessure que vient de leur faire B en attaquant quelque chose qui leur est cher, cette veste dont A1rêvait depuis des années, cet être cher dont A2 avait envie de partager la vie. B cherche à blesser A et y parvient afin que A ne puisse pas réagir, se défendre, contreattaquer. Il faudrait à A un grand esprit d’à propos. Il lui faudrait presser la touche Pause de sa télécommande « situations humaines » s’il en existait une pour figer la scène, le temps pour A de décrypter puis de renvoyer B dans les cordes avec la réponse appropriée. Pour B1, c’était facile, il suffisait d’évoquer la voiture coûteuse (et à la consommation indécente) dont il est propriétaire. Pour B2, il aurait suffi de lui dire « Ouh la jalouse !… »

Le clou pour les envieux, la manifestation du fait que ce sont eux qui ont raison, qui sont des victimes, est le silence de ceux qu’ils agressent. Ce silence vaut preuve tacite. Et c’est ce silence de leurs victimes qui restera comme un aveu, sauf si les témoins de la scène sont suffisamment fins pour la décoder. Mais, parions que dans ce cas là, les envieux savent s’adapter à leurs spectateurs en imaginant et jouant un scénario encore plus pervers.

Brel, Brel !

30 ans ! Un ami est venu dans ma chambre d’étudiant me dire, ton idole est morte. Je ne m’étais pas rendu compte que Brel était mon idole. Oui, Brel a été un modèle pour moi. Une amie à moi admire Johnny. On se moque souvent d’elle gentiment parce qu’elle déclare sa flamme pour Johnny avec beaucoup d’amour, de simplicité, d’admiration sans fard, en toute simplicité. Alors oui, j’aimais Brel. J’avais vingt ans. J’en ai cinquante et j’aime toujours Brel. France Musique vient de diffuser Voir :

Voir la peur inutile et la laisser aux crapauds…