Lecture autour du couple

Cet été, après avoir vécu une séparation particulièrement difficile et encore dans cette douleur, j’ai mis mon énergie dans la lecture de plusieurs livres sur la naissance et les fonctionnements du couple. J’avais évidemment conscience qu’en lisant ces livres je tentais de contrôler la situation.

Or donc, j’ai lu trois livres, Le paradoxe de la passion de Dean Dellis et Cassandra Phillips, La peur d’aimer de Steven Carter et Choisir qui on aime de Howard M. Halpern. C’était un peu trop d’un coup, vers le milieu d’août j’ai commencé à saturer. Que me reste-t-il de ces lectures aujourd’hui, au moment où je me (re)lance dans une démarche délibérée de rencontre ?

D’abord l’idée centrale développée dans Le paradoxe de la passion. Celle qu’il arrive souvent de se trouver dans un couple en situation déséquilibrée, l’un des deux étant dominant et l’autre dépendant, ceci parce que pour une raison ou une autre les sentiments des deux ne sont pas à la même hauteur au même moment. Dans un couple qui « fonctionne » bien, ce déséquilibre passe fréquemment de l’un à l’autre. Chacun est à son tour à tour dans chacun des deux rôles. Mais en situation déséquilibrée de paradoxe de la passion, le couple n’est pas dans un fonctionnement basé sur l’échange mais dans un fonctionnement centré sur des jeux de pouvoir. Ce qui se traduit souvent par le classique « Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis. » Par des souffrances des deux partenaires, l’un de ne pas être assez aimé, l’autre de culpabilité. Le couple peut passer beaucoup de temps dans cette situation. Et si enfin le dépendant choisit de rompre sa dépendance, de s’en aller, alors à ce moment la relation s’inverse, le dominant à son tour devient le dépendant. On se remet alors ensemble car l’ancien dépendant n’en croit ni ses yeux, ni ses oreilles : celui qui ne l’aimait pas l’aime enfin. Dès les retrouvailles, la relation s’inverse une nouvelle fois, l’ancien dominant redevient dominant dès qu’il a « récupéré » son « dépendant ». Ce cycle rupture/retrouvailles peut se rejouer plusieurs fois. Je peux en témoigner.

Qui choisit-on d’aimer ? En voilà une bonne question. Dans Choisir qui on aime, Howard M. Halpern, souligne d’abord à quel point on peut s’accrocher à des relations dans lesquelles on souffre, où on ne se retrouve pas tel que l’on est (voir ci-dessus). Il traite donc lui aussi de dépendance amoureuse puis il examine les raisons personnelles qui peuvent nous y mener. Car nous sommes des victimes consentantes, même si c’est à notre corps défendant. Nous sommes souvent attiré par les mêmes personnes jusqu’à temps de se décider enfin d’aimer la « bonne » personne. Celle qui nous attire tout en étant capable d’établir avec elle une relation équilibrée. Mais pour nous, lecteur de ce livre, comment être cette bonne personne pour l’autre, celle que nous souhaitons rencontrer ? Conseils classiques : être capable de romantisme, écouter, entendre, accueillir l’autre tel qu’il est. Et moins classiques, s’élargir à quelque chose de grand, social, philosophique, religieux, artistique, etc. Evidemment ces conseils sont assez théoriques quand on se retrouve en situation amoureuse dans la vraie vie bien réelle, un peu comme quand on doit appliquer les conseils d’un moniteur de ski ou de tennis. L’intérêt de Choisir qui on aime est de montrer ce cheminement depuis le couple décrit dans Le paradoxe de la passion vers un couple libre.

Le troisième ouvrage, La peur d’aimer, est lui centré sur l’engagement véritable dans une relation sincère. L’auteur traite des 8 courages à avoir (selon lui) pour s’ouvrir à cet amour : le courage de cesser de blâmer, de nous débarrasser de nos fantômes, de trouver notre soi et de lutter pour lui, de garder les pieds sur terre, de laisser les autres apprendre à nous connaître, d’apprendre la leçon de l’acceptation, de tracer une nouvelle voie, de regarder nos angoisses en face. Ce livre donne envie d’essayer à nouveau en faisant la part de ce qui relève de la décision profonde, du dépassement de ses réactions habituelles pour passer à de nouveaux comportements respectueux de l’autre et de soi-même.

Il m’est resté de ces trois livres le ressenti que l’amour est une « chose » à deux niveaux. Le premier est compulsionnel, passionnel, source de souffrance. Le second est mature, facteur de respect mutuel. Passer de l’un à l’autre, de l’amour passion à l’amour respect, nécessite à la fois de l’intuition, de la finesse, de la sensibilité et de la détermination, du courage, de la persistance. Cela en vaut la peine.

Publié par

Gilles Bertin

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8 réflexions au sujet de « Lecture autour du couple »

  1. Servi, oui.
    Suffit, non.
    Je vais peut-être relire « La peur d’aimer », en relisant mon billet je me rends compte à quel point ces 8 courages, ou au moins 3 ou 4, sont nécessaires en couple.

  2. Je traverse les mêmes questions.
    Construire un feu
    Construire un foyer
    Construire un couple
    Combien de courages ?

  3. A 20 ans, nous nous lancions dans le premier amour (sérieux), sans y penser.L’envie de partager, de construire, de fusionner (parfois) d’être HEUREUX. Et çà marchait ! 7 ans aux dires des spécialistes, nombreux d’entre nous ont vécu en couple plus longtemps (heureusement pour nos enfants). Nous voilà à 50 ans : déceptions, echecs…et finalement peur de se re-lancer dans une vie à deux.
    Faut il toujours tout réfléchir, soupeser, analyser ? Pourquoi ne pas repartir, outre nos peurs, laisser les valises sur le quai….. Croire que l’on pourrait avoir à nouveau 20 ans, la santé en moins, la sagesse en plus….
    3 ans pour la durée de l’amour qu’ils disent ces gens qui étudient ?
    Oui mais, on l’a vu, ,ils se trompaient déjà…
    Alors chiche ?
    Demain…on ne sait même pas si on se réveillera.

  4. J’ai noté les 8 courages,
    il y a du travail.
    Je pense aussi qu’une bière s’appelle  » Courage « ,
    j’ai en mémoire un slogan :  » Take Courage « ,
    et quelques bribes du Mal aimé d’ Apollinaire, simplement pour le plaisir :
    Un soir de demi-brume,à Londres, un voyou
    Qui ressemblait à mon amour
    Vint à ma rencontre
    Et le regard qu’il me jeta
    Me fit baisser les yeux de honte

    Je suivis ce mauvais garçon
    Qui sifflotait, mains dans les poches
    Nous semblions entre les maisons
    Onde ouverte de la Mer Rouge
    Lui les Hébreux, moi Pharaon…………………………..

    J’ai voulu mettre un peu de pensée analogique dans le raisonnement.Dans le soi humain, il y a ces deux versants complémentaires et tout ne peut être mis en équation passe que, si on connaissait la formule, on serait tous vachement heureux !
    MF

  5. 8 courages… c’est ça le courage !
    Du coup, j’ai regardé l’étymologie dans le Grand Bob :

    ÉTYM. xiiie; curage, 1050, aussi var. corage, couraige, chorrage; de cur, cor, cuer…, var. anc. de cœur, et -age.

    Le coeur, toujours lui.

  6. J’aime beaucoup ce billet, doux ! Une relation amoureuse c’est très chaotique, après que les 3 ans communément admis par les spécialistes de la chimie sont révolus, c’est entendu. Il y a le dialogue, il y a les corps, les désa-corps et les inévitables désaccords, tout ça pour qu’on se raccorde. Comme un piano, ou un violon aurait dit Ingres.

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